BEPC 2025 : des résultats inquiétants, des jurys sous le choc, une école en question
Burkina Faso – Éducation nationale : ce mardi 10 juin, les résultats du Brevet d’Études du Premier Cycle (BEPC) ont été rendus publics à travers le pays. Et ce qu’il convient d’appeler un véritable signal d’alarme a été lancé dans plusieurs centres d’examen, où les taux de réussite au premier tour se sont révélés dramatiquement bas. Sur le terrain, la stupeur des élèves, l’inquiétude des familles et la lassitude des encadreurs traduisent un malaise plus profond. Celui d’un système scolaire en quête de souffle et d’équilibre.
/image%2F7089151%2F20250611%2Fob_755f36_resultat-du-bepc.png)
Des chiffres qui donnent le vertige
Parlons de la ville de Bobo-Dioulasso, dans les cours d’écoles, sur les panneaux d’affichage, les mines sont graves. À peine quelques cris de joie viennent rompre le silence lourd de celles et ceux qui n’ont pas vu leur nom figurer sur les listes des admis. Cette année, les résultats du premier tour du BEPC laissent une impression amère, presque accablante, pour nombre de jurys.
Au jury 70, sur un total de 211 candidats, seulement 21 ont franchi la barre de l’admissibilité. 103 autres sont envoyés au second tour, tandis que 87 élèves échouent dès cette étape initiale. Un bilan que les enseignants sur place qualifient sans détour de « préoccupant », certains allant jusqu’à évoquer une génération « sacrifiée par les aléas du contexte éducatif actuel ».
Même constat au jury 68, où 43 candidats sur 241 ont été déclarés admis, et 137 sont convoqués pour les épreuves du second tour. Là encore, la majorité des élèves restent en situation d’attente ou de redoublement, dans un climat de désillusion.
Le jury 38 n’est pas épargné. Sur 300 candidats, 58 seulement ont décroché leur diplôme au premier tour. Derrière ces chiffres froids, ce sont des centaines de rêves qui vacillent, des efforts qui semblent vains, et un sentiment d’injustice que certains parents n’hésitent pas à exprimer à haute voix.
Une réalité multifactorielle
Pour les responsables pédagogiques, ces résultats ne sont ni une surprise, ni une fatalité, mais la conséquence logique de dysfonctionnements structurels aggravés par les difficultés conjoncturelles.
« Cette année a été particulièrement chaotique », confie un enseignant du secondaire. « Entre les retards dans le démarrage effectif des cours, l’insuffisance de manuels scolaires, les absences répétées des élèves, les grèves ponctuelles, sans oublier l’instabilité sécuritaire dans certaines régions, les conditions d’apprentissage ont été profondément altérées. »
La multiplication des établissements à effectifs pléthoriques, l’insuffisance de personnel qualifié, la précarité des infrastructures scolaires ou encore le poids de la pauvreté dans les familles sont autant de facteurs qui compromettent la concentration, l’assiduité et la motivation des apprenants.
Des enseignants démunis, mais toujours debout
Dans plusieurs jurys, les encadreurs pédagogiques ne cachent pas leur découragement face à ce qu’ils considèrent comme une perte progressive de repères et de rigueur académique.
« Les élèves n’arrivent plus à suivre un raisonnement logique sur la durée, ils manquent cruellement de vocabulaire, de culture générale et de maîtrise de la langue », témoigne un correcteur. « La lecture devient un supplice, l’expression écrite est pauvre, les calculs de base posent problème. Nous avons besoin d’une véritable révolution pédagogique. »
Pour certains enseignants, le problème ne vient pas seulement du niveau des élèves, mais également d’un système d’évaluation qu’ils jugent parfois inadapté à la réalité des classes. D’autres pointent le manque de soutien psychologique, de suivi personnalisé, ou encore l’absence de coordination efficace entre familles, encadreurs et autorités scolaires.
Une jeunesse désorientée, des familles anxieuses
Dans les familles, l’émotion est vive. Beaucoup de parents se disent « choqués » ou « déçus », mais plus encore « inquiets » pour l’avenir de leurs enfants. Entre amertume et résignation, certains évoquent même un sentiment de décrochage moral généralisé.
« Mon fils est intelligent, mais il est fatigué, démotivé. Il n’y a pas assez d’encadrement à la maison. Et quand il rentre, il y a le travail domestique, le manque d’électricité, la faim… Comment voulez-vous qu’il puisse réviser ? » interroge une mère de famille dans un centre de la périphérie de Bobo-Dioulasso.
Du côté des élèves, la stupeur est parfois mêlée de culpabilité. Ceux qui passent au second tour savent que la bataille est loin d’être terminée, mais certains peinent déjà à y croire.
« Je vais essayer de me rattraper, mais je suis déçu de moi-même », confie un candidat recalé du jury 68. « On nous a dit que ça allait être difficile, mais pas à ce point. »
Un appel à l’action collective
Face à cette situation préoccupante, les autorités éducatives appellent à une prise de conscience collective. Pour elles, il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur les élèves ou les enseignants, mais bien de poser les fondements d’une réforme profonde, alliant rigueur, innovation pédagogique et soutien accru aux établissements en difficulté.
Dans l’attente des résultats du second tour, prévu pour les jours à venir, l’heure est à la mobilisation. Le ministère de l’Éducation nationale annonce déjà une série de concertations avec les directions régionales, les partenaires sociaux et les associations de parents d’élèves afin d’analyser les causes de l’échec scolaire massif et proposer des solutions concrètes.
Et maintenant ?
Au-delà des chiffres, le BEPC 2025 met à nu les fragilités structurelles d’un système scolaire burkinabè sous pression. Entre excellence et équité, les équilibres restent à trouver. Une chose est sûre : le sort de toute une génération ne peut se jouer dans le silence ou l’indifférence.
Car l’échec d’un élève, c’est aussi un échec de la société. Et si la Nation veut rêver d’un avenir meilleur, il lui faudra d’abord reconstruire patiemment, mais résolument, les fondations de son école républicaine.
Kindo Brahima
Correspondant Education – Faso Patriote TV